La maison passive à la Belle Province
Le Québec est un leader au pays quand il s’agit de certains principes environnementaux ; cependant, le mouvement des maisons passives doit quant à lui surmonter des obstacles uniques afin de croître et prendre sa place au Québec.
Une étude menée en 2016 sur la répartition de l'opinion sur les changements climatiques au Canada a révélé que le Québec est l'une des provinces où l’on compte le plus grand nombre de « croyants ». Sur le plan politique, le Québec a également créé le premier marché du carbone au Canada en établissant un système de plafonnement et d’échange dès 2013.
Ces valeurs sont également partagées par la communauté de la construction écologique de la province. C’est aussi au Québec que l’on retrouve le deuxième plus grand pourcentage de bâtiments certifiés LEED au pays avec 37% (juste derrière l'Ontario).
Malgré ces avancées, le Québec ne compte, à ce jour, que deux maisons passives ayant obtenue leur certification, bien que d'autres aient été construites selon les même principes mais doivent encore être certifiées.
« Sans qu’il y ait eu de certification émise, on a fait une vingtaine de maisons haute performance en cinq ans, et des projets avec une étanchéité de 0,19@50kPa », explique Simon Auger, directeur de Maisons Eléments, une entreprise qui se spécialise dans les systèmes de construction éco-énergétique haute performance. Alors que se passe-t’il?
« L’un des principaux problèmes au Québec, c’est notre énergie à très faible coût », explique William Murray, membre du conseil d’administration de PBC, et président de Construction Rocket, constructeur certifié de maisons passives et écologiques basé dans les Cantons-de-l’Est.
Comme le Québec dépend en grande partie de son réseau hydroélectrique, les clients d’Hydro-Québec bénéficient de tarifs énergétiques les plus bas en Amérique du Nord.
L'un des principaux arguments pour les maisons passives réside dans leur capacité à réduire considérablement la facture énergétique mensuelle (jusqu'à 90%), offrant ainsi un retour sur l’investissement plus rapide. L'incitation financière au Québec n’est donc pas aussi présente.
Un autre défi unique au Québec est le manque d'information et de ressources disponibles en français.
« PHI [Passive House Institute] a travaillé d'arrache-pied pour traduire des informations pour le Québec, alors que PHIUS [Passive House Institute US] n'est pas en mesure de traduire », déclare Murray.
Le fait de ne pas pouvoir accéder à ces ressources facilement en français ajoute un autre niveau de complexité, en particulier en ce qui concerne la coordination avec les différents corps de métiers, les organismes de réglementation et les clients qui ne sont peut-être pas familiers avec la norme.
« Je fais de la consultation avec des clients et des sous-traitants afin de leur indiquer où obtenir du matériel », explique Murray.
Le premier bâtiment certifié PHI au Québec était la Maison Ozalée, une maison unifamiliale dans le quartier Ahuntsic à Montréal complétement rénovée en 2015 afin de satisfaire à la fois aux principes de la maison passive et des normes LEED Platine.
Selon leur site web, « En plus d’une maison, nous souhaitons faire de ce projet un lieu de rencontre et de partage, en particulier concernant l’ensemble des techniques et des connaissances mise à profit ici. »
En effet, ce type de réseau et de partage de connaissances est essentiel au développement du mouvement de la maison passive. Maison Passive Québec, un organisme à but non lucratif vise à sensibiliser les gens à la norme de la maison passive en partageant des informations et organisant des formations en français sur la maison passive.
Selon Simon Auger, la maison passive prend de la vitesse. « J’observe depuis un an un engouement grandissant pour ce type de produit. Les gens sont de plus en plus informés. »
La première construction neuve certifiée PHIUS au Québec a été construite par Murray à Abercorn en 2017. La maison « Springhouse » aura coûté environ 15% de plus qu’une maison conventionnelle. Elle a également été certifiée LEED Platine.
M. Murray croit que, compte tenu des faibles coûts énergétiques au Québec, le développement de ce mouvement dans la province dépend de la façon dont il est commercialisé.
« Nous devons le vendre d'une manière différente. Nous devons vendre le confort accru et de l'air pur », déclare Murray. « Vous pouvez mettre votre tapis de yoga à côté d'une fenêtre en plein hiver et ne pas avoir froid! »
Avec une plus grande abondance de ressources, une documentation en français et un marketing davantage axé sur le style de vie et le confort plutôt que sur l’étanchéité et l’efficacité énergétique, la maison passive trouvera certainement un foyer permanent au Québec.